Soudan: violents combats à Khartoum et au Darfour malgré une trêve
La violence a franchi jeudi un nouveau palier au Soudan avec des destructions et des pillages au Darfour et d'intenses bombardements à Khartoum au treizième jour d'un conflit entre l'armée et des paramilitaires ayant déjà fait des centaines de morts.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a assuré travailler "activement" à prolonger un cessez-le-feu entré en vigueur mardi pour trois jours mais qui n'a quasiment pas été respecté.
Une relative accalmie des combats a cependant permis l'évacuation de centaines d'étrangers et de milliers de Soudanais mais la trêve n'a pas empêché Khartoum d'être pilonnée par avions et artillerie lourde en continu.
"J'entends des bombardements intenses à l'extérieur de chez moi", rapporte ainsi jeudi soir à l'AFP un habitant de Khartoum.
Avant l'expiration jeudi à minuit (22H00 GMT) d'une trêve de 72 heures, arrachée par les Etats-Unis, l'armée a annoncé mercredi avoir accepté d'envoyer un représentant à Juba, la capitale du Soudan du Sud voisin, pour des pourparlers avec les paramilitaires pour discuter d'une prolongation de la trêve.
Les paramilitaires n'ont pas commenté l'annonce de ces discussions, "à l'initiative de l'IGAD", bloc régional d'Afrique de l'Est, selon l'armée.
Au Darfour, région reculée dont l'accès est aujourd'hui impossible, les violences s'intensifient, notamment à El-Geneina, capitale du Darfour-Ouest.
"Hôpitaux, bâtiments publics et centres de soin ont été sévèrement endommagés et il y a des pillages à chaque coin de rue", confie à l'AFP un habitant d'El-Geneina.
- "Bloqués" -
"On est bloqués chez nous, on a trop peur de sortir donc on ne connaît pas l'ampleur exacte des destructions", dit-il encore.
Peu d'informations filtrent de cette région frontalière du Tchad et théâtre dans les années 2000 d'une guerre particulièrement sanglante. Mais des médecins prodémocratie ont déjà annoncé la mort d'un de leurs confrères dans ces violences.
L'ONU fait état depuis plusieurs jours "d'attaques contre les civils, de pillages et d'incendies de maisons". Plus dangereux encore, affirme l'organisation, "des armes sont distribuées" à des civils.
Ces affrontements rendent encore plus précaire la vie des habitants de la région, l'une des plus pauvres du pays où 50.000 enfants "souffrant de malnutrition aiguë" sont privés d'aide alimentaire depuis que l'ONU a interrompu ses activités après la mort de cinq humanitaires.
"La violence, l'interruption du fonctionnement de nombreux hôpitaux et dispensaires, l’accès limité à l’eau potable, les pénuries alimentaires et le déplacement forcé des populations" constituent "les plus grands risques pour la santé au Soudan" alerte de son côté l'Organisation mondiale pour la santé (OMS).
Les combats ont provoqué un exode massif dans ce pays de 45 millions d'habitants, l'un des plus pauvres au monde.
Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont déjà arrivées dans les pays frontaliers: le Tchad à l'ouest, l'Ethiopie à l'est, le Soudan du Sud et la Centrafrique au sud et l'Egypte au nord. Dans ce seul pays, ils sont plus de 14.000 Soudanais et 2.000 ressortissants d'autres pays à être arrivés. Au total, 270.000 personnes pourraient fuir au Tchad et au Soudan du Sud, selon l'ONU.
- "Partir maintenant" -
Ces derniers jours, plusieurs pays ont organisé des évacuations. La France a annoncé jeudi avoir évacué encore près de 400 personnes de différentes nationalités, la Chine 1.300 de ses ressortissants et le Royaume-Uni a appelé ses ressortissants à "partir maintenant".
Ceux restés au Soudan doivent composer avec les pénuries de nourriture, d'eau et d'électricité ainsi que les coupures d'internet et des lignes téléphoniques.
Dans le chaos général, des centaines de détenus se sont évadés de trois prisons, en particulier Kober, où était détenu le premier cercle de l'ancien dictateur Omar el-Béchir, dont plusieurs hommes recherchés par la Cour pénale internationale (CPI) pour "crimes de guerre" et "crimes contre l'humanité" au Darfour.
Limogé par l'armée en avril 2019 sous la pression d'un soulèvement populaire, M. Béchir est toujours détenu, selon l'armée, dans un hôpital militaire.
Douchant les espoirs d'une transition démocratique, les deux généraux avaient évincé ensemble les civils du pouvoir lors d'un putsch en 2021, avant d'entrer en guerre, ne parvenant pas à s'accorder sur l'intégration des paramilitaires à l'armée.
C.Abatescianni--IM